On vous résume l'affaire Mila, après la condamnation de onze de ses cyberharceleurs (2024)

Onze personnes, sur treize prévenus, ont été condamnées mercredi 7 juillet à des peines allant de quatre à six mois de prison avec sursis.

"Je ne veux plus jamais qu'on fasse culpabiliser les victimes",a déclaré Mila à la sortie du tribunal correctionnel de Paris, mercredi 7 juillet, après la condamnation de onze des treize prévenus à des peines allant de quatre à six mois de prison avec sursis pour cyberharcèlement. C'està la10e chambre correctionnelle du tribunal de Parisque s'est tenu ce procès.Franceinfo revient sur cette affaire qui a bouleversé la vie de cette jeune fille, qui vit désormais sous protection policière.

Un blasphèmeet des menaces de mort

Le 18 janvier 2020,Mila,alorsâgée de 16 ans, publie une vidéo en live sur Instagram où elle raconteavoir été insultée par un hommealors qu'elle parlait de ses préférences sexuelles."Ensuite, le sujet a commencé à déraper sur la religion. Donc moi j'ai clairement dit ce que j'en pensais. Parce que la liberté d'expression, tu connais?", interpelle-t-elle face caméra, avant de terminer par une critique virulente del'islam."Votre religion, c'est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir", conclut-elle.

Les images, massivement relayées sur les réseaux sociaux, déchaînent alors un flot de réactions haineuses et de menaces.Dans la foulée de cette vidéo, le compte Instagram de Mila est piraté et ses données personnelles récupérées puis diffusées. La jeune fille reçoit des menaces de mort et de viol.Elleest retirée de son lycée de Villefontaine (Isère) et mise à l'abri.Son avocat, Richard Malka, évoque un "lynchage numérique" qui n'a guère cessé depuis."Jamais dans l'histoire de ce pays une jeune fille n'a reçu 100000messages haineux, avec évidemment une connotation sexiste, hom*ophobe", a-t-il décrità franceinfo, le jour de l'ouverture du procès.

Dix mois plus tard, le 14 novembre 2020, Miladécide de répondreà ceux qui l'insultent, la menacentet lui promettent la mort dans une vidéo publiée sur TikTok, où elle critique à nouveau l'islam. Elle redevient alors la cible d'appels au meurtre. Parmi les centaines de messages violents et d'insultes reçus, se trouvent ainsi des photomontages "avec la tête de Mila sanguinolente à la place de Samuel Paty", cet enseignant d'histoire-géographie décapité à l'automne 2020, pointe son avocat.

Une vie "bunkerisée" depuis ses 16ans

Cela faitpratiquement deux ans que Mila, qui vient d'avoir 18ans, vit cachée. "Elle est recluse, dévoile son avocat Richard Malka.Elle reste confinée aujourd'hui et pour plusieurs années. Elle ne peut pas aller en terrasse." Avant d'ajouter : "C'est la première fois dans l'histoire de ce pays qu'une jeune femme de cet âge-là fait l'objet d'une protection policière 24heures sur 24. Ça n'existait pas. Vous pouvez imaginer la solitude que cela induit?"

Au lendemain de la deuxième salve de cyberharcélement contre Mila en novembre 2020, Richard Malka avait comparé la vie de sa cliente à celle des salariés du journal satirique Charlie Hebdo,dont il est aussi l'avocat."Vous pouvez imaginer comment elle va: sa vie a basculé, elle a 17ans, elle vit comme les gens de Charlie Hebdo maintenant, bunkerisée... C'est insupportable !", s'était-il indigné selonBFMTV.

Outre une vie sociale bouleversée, la scolarité de Mila s'est quasiment terminée en même temps. Après avoir été contrainte de quitter l'établissem*nt de Villefontaine jusqu'en juin pour des raisons de sécurité et avoir attendu que l'Education nationale lui propose un nouvel établissem*nt, la jeune femmea fait un bref passage dans unlycée militairetenu secret. Mais en décembre dernier, elle a été nouveauexclue après avoir dévoilé le nom de l'internat dans un live sur Instagram auquel assistaient une vingtaine de personnes."On a une jeune fille que le système scolaire ne peut plus prendre en charge. On lui dit : 'Rentrez chez vous madame, on ne peut pas assurer votre sécurité, on met un terme à votre scolarité !'", se désole son avocat.

Au moment des faits, Mila ne s'était exprimée qu'une seule fois, à visage découvert, sur le plateau de l'émission"Quotidien",assurant ne "pas regretter" ses propos,le 3février 2020. De nouveau sous les projecteurs avec l'ouverture du procès de ses cyberharceleurs, la jeune femme aaffirmé, surTF1, dimanche 13juin, qu'elle se voyait"peut-être morte"dans cinq ans."Je ne suis pas capable de voir mon avenir comme les autres", a-t-elle déploré, à une semaine de la reprise duprocès.Entre-temps, la jeune fille a choisi de prendre la plume pour revenir sur cette affaire. "Quand vous lirez ces lignes... J'ignore si je serai encore vivante.Une nouvelle journée commence.Et avec elle, de nouvelles menaces noient mon téléphone",débute ainsi son livreJe suis le prix de votre liberté, paru aux éditions Grasset le 16juin.

Une affaire qui divise l'opinion publique

Rapidement, l'affaire Mila a été évoquée sur les plateaux de télévision et les réseaux sociaux, certains soutenant la jeune fille au nom du droit à la liberté d'expression avec le hashtag #JeSuisMila, et d'autres se réclamant de la lutte contre l'islamophobiesous le hashtag #JeNeSuisPasMila. L'ancienne ministre de l'environnnement, Ségolène Royal, avait expliquéau Parisienqu'elle n'aurait "absolument pas" partagé le mot-clé #JeSuisMila pour soutenir la lycéenne, ne souhaitant pas qu'"une adolescente qui manque de respect"soit "érigée en parangon de la liberté d'expression".

L'affaires'est d'ailleurs vite invitéesur un terrain politique.Le 29janvier 2020, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, avait suscité une polémique après avoir été interrogée sur ce qui était le plus grave "entre insulter une religion ou menacer de mort quelqu'un", sur Europe 1. "Dans une démocratie, la menace de mort est inacceptable", avait-elle déclaré, ajoutant que "l'insulte à la religion, c'est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c'est grave".Sa déclaration avait été vivement condamnée etla garde des Sceaux avait reconnuune expression maladroite.

En haut lieu, le soutien est sans faille. Dans un entretien accordé au Dauphiné libéré(réservé aux abonnés),le 12 février 2020, le président Emmanuel Macronappuie la revendication de Mila au droit au blasphème:"La loi est claire: nous avons droit au blasphème, à critiquer, à caricaturer les religions". Rappelant que l'Etat lui "devait une protection".A quelques jours de l'ouverture du procès des cyberharceleurs de Mila, le 3juin,le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer,avait de nouveau pris la défense de la jeune femme devant l'hémicycle, dénonçant "un scandale au cœur de notre société", relate BFMTV.

Deux enquêtes et plusieurs gardes à vue

La justice, elle aussi, n'a pas tardéàréagir. Le 15novembre 2020, le parquet de Vienne ouvre une première enquête à l'encontre de Mila pour "provocation à la haine à l'égard d'un groupe de personnes, en raison de leur appartenance à une race ou à une religion déterminée". Elle estfinalement classée sans suite fin janvier 2020. L'enquête a démontré que les propos diffusés, "quelle que soit leur tonalité outrageante", avaient pour "seul objet d'exprimer une opinion personnelle à l'égard d'une religion, sans volonté d'exhorter à la haine ou à la violence contre des individus", a conclu leprocureur en charge de l'affaire.

En revanche,lesenquêteurs poursuivent leurs investigations pour trouverles auteurs des menaces de mort exprimées à l'encontre de la jeune fille, qui a porté plainte. Le 1eroctobre 2020, un premier harceleur,un jeune homme de 23ans, est condamnéà trois ans de prison, dont la moitié ferme, pour avoir menacé l'adolescente de viol et de meurtre dans quatre vidéos postées sur internet.Une seconde enquête pour "menaces de mort par écrit et harcèlement électronique"est ouverte par le parquet de Vienne au lendemain de la publication de la seconde vidéo de Mila, le 15novembre. Début décembre, le nouveau pôle national de lutte contre la haine en ligne (OCLCH) reprend le dossier afin de centraliser les investigations menées dans les différentes régions de France.

En tout 10hommes et trois femmes, âgés entre 18 et30ans, pour la plupart sans antécédent judiciaire et qui ne se connaissaient pas, ont été interpellés. Ils sont accusés d'avoir "harcelé en ligne" Mila après la publication de sa seconde vidéo en novembre 2020.Certains sont également jugés pour "menaces de mort", et l'un d'eux pour "menaces de crime".

Lors de leur garde à vuequi s'est déroulée entre février et avril 2021, ils ont en grande partie reconnu être les auteurs des messages et ont dit les "regretter".Que cela soitN'Aissita, étudiante en psychologie qui a souhaité à Mila "de mourir de la façon la plus atroce qui puisse exister", Jordan, cuisinier de 29ans qui l'a menacée de viol, ou encore Manfred, étudiant en droit qui a menacé la jeune fille "d'une Samuel Paty", ils sont tous convaincus de ne pas avoir harcelé Mila, détailleLe Figaro (accès abonnés). Lors du procès, le procureur de la République n'avait pas mâché ses mots: "Vous avez face à vous le nuancier de la bêtise et de la haine de proximité." Celui-ci avait requissix mois de prison avec sursis à l'encontre des neuf prévenus poursuivis pour harcèlement et menaces de mort et trois mois de prison avec sursis pour les trois prévenus renvoyés pour harcèlement.

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